Je revois mon grand père Marcel, un vieux juif en caftan noir sur une chemise blanche sans col, coiffé d’un calot noir qui recouvrait sa calvitie.
Plusieurs fois par jour, ma grand mère l’arrachait à ses études cabalistiques pour qu’il « joue avec l’enfant ».
On allait sur la terrasse. On me mettait le bob sur la tête. On disposait un tamis qu’on maintenait penché avec un petit roseau.
Ce roseau, on l’attachait avec une ficelle.
On éparpillait quelques miettes de pain dessous.
On se tenait cachés sous la petite cabane, la souccot.
Au cours de cette longue attente du moineau attiré par les miettes qu’on pourrait capturer en tirant sur le roseau, pour aussitôt le relâcher, Marcel et moi chantions ensemble des poèmes religieux, des piyoutims, dont il ne me reste plus aucun souvenir.
Et il me parlait..
Je ne comprenais rien à ce qu’il me disait. Sans doute des réflexions sur son parcours cabalistique, ou autre, je ne sais.
Mais une phrase revenait, régulièrement.
Saches, pense et imagine.
Saches, apprends. Ecoute ceux qui savent. Lis leurs découvertes, leurs témoignages. Enrichis ton savoir, ta connaissance.
Puis pense. Note, range, confronte ces informations à l’époque, à ton intelligence.
Enfin, imagine.
Rien n’est fini. Chaque jour, aujourd’hui, tout commence.
La vérité d’hier doit être vérifiée, adaptée ou bousculée.
J’ai entendu, retenu, tenté d’appliquer l’enseignement de Marcel.
J’ai retrouvé la source de la phrase, le Séfer Yetsira, le livre de la création.